9.10.08

Le SRS et les services secrets serbes

Les dirigeants du Parti radical serbe, Vojislav Šešelj en premier lieu, se sont souvent vantés d'avoir leurs hommes au sein des services de renseignements serbes (SDB, aujourd'hui BIA). On en sait aujourd'hui un peu plus d'après les déclarations de Tomislav Nikolić qui est à la tête désormais d'un nouveau parti, le Parti progressiste serbe (Srpska napredna stranka).

En effet, Tomislav Nikoli
ć a révélé que le député du SRS, Jadranko Vuković, était le lien entre Vojislav Šešelj et les services secrets serbes. Il aurait ainsi transmis pendant plusieurs années des informations collectées par ces services au chef du Parti radical. Selon ses propres propos, JadrankoVuković n'aurait pas été le seul informateur (Blic, 05.10.2008).

Depuis le tout début des années 1990, Vojislav
Šešelj était en liaison, par un intermédiaire, avec le chef des services secrets serbes, Jovica Stanišić.

11.9.08

Du rififi chez les radicaux

Alors que le Parti radical serbe (SRS) était jusqu'aux élections législatives de cette année le premier parti de Serbie avec 30% d'intentions de vote, il est désormais en seconde position derrière la coalition Pour la Serbie européenne (Za Evropsku Srbiju), construite autour du Parti démocrate et créditée de 41% d'intentions de vote selon un sondage réalisé en août (Blic, 04.09.2008).

L'influence du SRS ne sera plus la même après la démission de Tomislav Nikolić, vice-président du parti d'extrême-droite, désavoué par Vojislav Šešelj depuis sa cellule de Scheveningen à propos du vote en faveur de l'Accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne approuvé par l'Assemblée nationale mardi 9 septembre 2008. En effet, Tomislav Nikolić avait annoncé que les députés du SRS voteraient en faveur de l'ASA en échange de l'adoption d'un amendement élaboré par son groupe parlementaire.

Depuis Tomislav Nikolić a créé un nouveau groupe parlementaire dénommé "En avant, Serbie" et a réussi à attirer 18 députés (Politika, 10.09.2008). La direction du SRS s'apprête à exclure du parti les partisans de Tomislav Nikolić qui annonce désormais la formation d'un nouveau parti.

Le dénouement de la crise devrait intervenir vendredi 12 septembre lors d'une réunion de la direction (Direction centrale pariotique) du SRS composée de 101 personnes. Il est fort probable quer les dirigeants fidèles à Vojislav Šešelj obtiennent l'exclusion des membres soutenant Tomislav Nikolić.

Certains dirigeants radicaux affirment que ce sont les services secrets étrangers qui ont provoqué la crise interne afin d'affaiblir le SRS. Des purges sont donc en vue à travers le SRS qui ne sortira pas indemne de ces événements. Demain, il sera intéressant de voir de quel côté penchera Aleksandar Vučić, le secrétaire général du parti, le plus populaire des radicaux avec Tomislav Nikolić.

2.8.08

La première apparition de Radovan Karadžić au TPIY

Lors de sa première apparition au TPIY, Radovan Karadžić, a décidé de se défendre seul et a demandé le délai réglementaire supplémentaire de 30 jours avant de se prononcer coupable ou non-coupable des actes qui lui sont reprochés.

En comparaison avec Slobodan Milošević et Vojislav Šešelj, Radovan Karadžić s'est montré davantage respectueux du TPIY et coopératif.

Dès sa première audition, il a porté l'attaque contre les grandes puissances et en particulier contre les Etats-Unis qui par le biais de Richard Holbrooke auraient conclu avec lui un accord visant à obtenir son retrait de la vie politique en Bosnie-Herzégovine contre la promesse ne pas être déféré au TPIY. L'accord aurait été conclu en juillet 1996 par l'entremise de Slobodan Milošević et des service secrets serbes. Florence Hartmann détaille les négociations entre R. Holbrooke et les autorités de Belgrade dans son livre, Paix et châtiment : les guerres secrètes de la politique et de la justice internationales, (Paris, Flammarion, 2007), aux pages 178-180.

L'accord a été confirmé par Aleksa Buha, ancien ministre des affaires étrangères de la Republika Srpska qui a assisté aux négociations à Belgrade en compagnie de Momčilo Krajišnik pour la RS. Etait présent également, selon lui, Milan Milutinović futur président de la Serbie. L'objectif était d'obtenir le retrait de Karadžić de la vie politique, sans quoi, son parti, le Parti démocratique serbe (SDS) aurait été interdit et n'aurait pas pu participer aux prochaines échéances électorales (voir Večernje Novosti du 1er mars 2004 et l'édition du 3 mars 2004).

Radovan Karadžić a probablement les moyens de mettre les grandes puissances face à leurs contradictions, en particulier les Etats-Unis et la France. Néanmoins, il devra apporter des preuves matérielles pour étayer ses affirmations.

Mais la question de l'accord si elle peut embarrasser les Etats-Unis, ne permet pas d'effacer l'acte d'accusation qui pèse contre Karadžić.

Concernant les massacres de Srebrenica, des témoignages d'anciens officiers de l'armée serbe ou de dirigeants locaux du SDS, ont déjà souligné l'implication de Radovan Karadžić :

- un premier témoin, officier de l'armée de la RS, témoignant sous protection (témoin B-1804), et la plupart du temps à huis clos, a évoqué un ordre de Radovan Karadžić du 17 mars 1995 destiné au Corps de la Drina dans le quel il est dit : Par des opérations de combat planifiées et bien conçues, créer une situation insoutenable d'insécurité totale, ne laissant aucun espoir de survie, ni de vie pour les habitants de Srebrenica et de Zepa." (source : http://www.un.org/icty/transf54/040211FE.htm)

- un autre officier serbe a apporté un témoignage intéressant à cet égard les 22 et 23 mai 2003, puis le 2 juillet 2003. Il témoignait sous protection (B-161) : il a précisé qu'un ordre de faire disparaître 6 900 personnes avait été donné par un "certain Beara", "adjoint au chef de la sécurité au grand état-major de la Republika Srpska" (source : http://www.un.org/icty/transf54/030522FE.htm). Ljubomir Beara était le chef du service de sécurité auprès de l'Etat-major de l'armée de la RS.

- le témoignage du capitaine, Momir Nikolić, officier de renseignement de la Brigade de Bratunac, apporte également des informations intéressantes.

- les témoignages de Miroslav Deronjić, dirigeant du SDS, lui-même condamné à 10 ans de prison par le TPIY et décédé d'un cancer dans une prison suédoise en 2007, dans les différents procès où les massacres de Srebrenica ont été abordés sont précieux. Alors qu'il posait une question à Radovan Karadžić sur le sort des prisonniers de Srebrenica conduits dans la municipalité de Bratunac, le président de la RS lui répondit que quelqu'un arriverait bientôt avec les instructions concernant les prisonniers. Ljubomir Beara était cet homme qui lui indiqua que l'ordre venant du sommet était d'éliminer tous les prisonniers.

30.7.08

Echec des radicaux à mobiliser en faveur de Radovan Karadžić

Le rassemblement sur la Place de la République à Belgrade, organisé le mardi 29 juillet dernier par le Parti radical serbe, est un échec. Entre 15 000 et 20 000 personnes étaient présentes. Cela est bien loin des dizaines de milliers de personnes annoncées par les radicaux. Belgrade a connu des meetings bien plus imposants ces dernières années. Pour rester en 2008, dans un autre contexte politique, 250 000 personnes s'étaient déplacées dans le centre de la capitale pour dénoncer l'indépendance du Kosovo. Lors des obsèques de Zoran Đinđić le samedi 15 mars 2003, plusieurs centaines de milliers de personnes avaient accompagné le cortège dans les rue de Belgrade...

Force est de constater que Radovan
Karadžić ne mobilise pas beaucoup de citoyens serbes. Le SRS exploite l'arrestation de Radovan Karadžić pour exister car il a de nouveau échoué à constituer un gouvernement, les socialistes leur ayant fait défaut. Il aurait pu se consoler avec la gestion de la ville de Belgrade, mais là aussi les alliances se sont retournées et les démocrates ont pu préserver leurs positions à Belgrade grâce à l'appui des socialistes (SPS).

Les radicaux dénoncent la prétendue dictature du président serbe, Boris Tadi
ć. Pourtant, ce dernier a été démocratiquement élu en février 2008. De même, la coalition pour la Serbie européenne, constituée autour du Parti démocrate, est arrivée en tête aux élections législatives. Elle est parvenue à s'entendre avec le Parti socialiste de Serbie pour former une majorité à l'Assemblée nationale.

D'aucuns voudraient faire croire que le pays connaît une crise politique. La Serbie a un gouvernement reposant sur une majorité claire. Certes, le parlement ne fonctionne pas normalement en raison de l'obstruction des radicaux. Les députés du Parti radical serbe, du Parti démocrate de Serbie et de Nouvelle Serbie souhaitent obtenir la démission de la présidente du parlement,
Slavica Đukić - Dejanović (SPS). Lorsque le parlement reprendra ses débats, la ratification de l'Accord de stabilisation et d'association avec l'UE sera à l'ordre du jour.

29.7.08

Manifestation des nationalistes, mardi 29 juillet 2008

Selon le quotidien Danas, le parti radical serbe (SRS) n'a pas déclaré auprès du ministère de l'Intérieur le rassemblement et la manifestation prévus ce soir. Selon la loi, les manifestations doivent être déclarées 48 heures avant leur déroulement.

La manifestation de ce soir sera en tout cas un test sur le degré de mobilisation des nationalistes en Serbie.

27.7.08

Menaces du Parti radical serbe

Sur son site Internet, le Parti radical serbe (SRS) indique que des rassemblements de protestation quotidiens contre l'arrestation de Radovan Karadžić ont lieu à 17 heures sur la Place de la République à Belgrade. Pour autant, le SRS déclare ne pas être l'organisateur de ces rassemblements qui n'ont pas attiré les foules jusqu'à ce jour.

Le SRS appelle désormais à un "rassemblement panserbe contre le régime félon et dictatorial de Boris Tadić" le mardi 29 juillet prochain à 19 heures.

Le parti de Vojislav Šešelj s'est montré menaçant lors de sa conférence de presse de vendredi dernier à travers l'intervention de sa dirigeante Vjerica Radeta : (...) Nous rappelons à Boris Tadic, le dictateur jaune que j'appelle bien volontiers Boris Broz, car il se comporte comme cela, que la trahison en Serbie ne se pardonne jamais. Nous ne menaçons pas, mais nous signalons la malédiction qui a accompagné tous les traîtres dans l'histoire serbe. Nous rappelons la fin de la dynastie des Obrenović et je dirais aux tenants du pouvoir actuels que tous n'auront peut-être pas la chance de Zoran Đinđić car Dieu punit jusqu'à la septième génération, et selon certains avis, jusqu'à la onzième, et il faudrait qu'ils en tiennent compte. (...).

Le Roi Alexandre Obrenović et son épouse Draga Mašin ont été assassinés sauvagement par des conspirateurs issus des rangs de l'armée serbe en 1903. Zoran Đinđić a été assassiné en mars 2003. Vjerica Radeta et la direction politique du SRS souhaitent-elles le même destin à Boris Tadić?

Les propos de Vjerica Radeta ont choqué une large partie de l'opinion serbe. Des menaces de mort sont adressées quotidiennement au président serbe à son adresse électronique en particulier.

Les autres partis d'opposition, le Parti démocrate de Serbie (DSS) et Nouvelle Serbie, ont annoncé qu'ils participeraient à la manifestation du 29 juillet car ils considèrent que la coalition au pouvoir ne "conduit pas la politique de la Serbie, mais celle qui lui est imposée de l'extérieur". Vojislav Koštunica (DSS), l'ancien premier ministre, considère quant à lui que le gouvernement actuel n'a pas de courage, qu'il ne mène pas une politique autonome mais qu'il tente de répondre sans fin aux exigences de l'Union européenne et des Etats-Unis. Il a déclaré que son intention avait été de remettre en cause la légitimité du TPIY après les acquittements de Ramush Haradinaj et de Naser Orić.

Les propos de Vjerica Radeta constituent un appel explicite à la violence politique. Le SRS avait veillé à soigner son discours au cours des dernières campagnes électorales (2007 et 2008). Tout cela n'était que changement de façade. Dire que certains analystes politiques ont essayé de nous faire croire que le SRS se transformait en parti du centre-droit, à l'instar du HDZ en Croatie.

24.7.08

Ces intellectuels qui soutiennent Radovan Karadzic

Nombre d'intellectuels qui avaient contribué au réveil national serbe de la seconde moitié des années 1980 figurent parmi les soutiens de Radovan Karadžić. Ils se sont rassemblés dans un comité de soutien dans lequel Kosta Čavoški, professeur de droit, joue un rôle déterminant. Il est un des principaux détracteurs du TPIY parmi les intellectuels du pays. Il a en particulier publié en 1998 un ouvrage intitulé "La Haye contre la justice" (Hag protiv pravde). Parmi ses membres fondateurs, on trouve également : Smilja Avramov, Brana Crnčević, Ljuba Popović, Slobodan Rakitić, Ivana Žigon, Dragoš Kalajić, Gojko Đogo et Momo Kapor. L'écrivain serbe de Bosnie-Herzégovine, ancien ministre de l'information du gouvernemt de la Republika Srpska, Miroslav Toholj, en est le secrétaire. Il est par ailleurs l'éditeur des ouvrages littéraires de Radovan Karadžić avec sa maison d'édition Igam.

Le Comité fondé en novembre 2001 sous le nom de Comité international pour la vérité sur Radovan Karadžić s'était doté d'un site internet en mars 2002 (www.karadzic.org), disparu de la Toile depuis quelque temps. Ce comité a publié plusieurs ouvrages d'entretiens et déclarations de l'ancien leader des Serbes de Bosnie-Herzégovine, chacune des parutions ayant fait l'objet d'une conférence de presse. On relève notamment un ouvrage réunissant des "ordres de guerre" de Radovan Karadžić : Ratne naredbe dr Radovana Karadžića paru en 2003 et suivi de trois autres volumes similaires. En 2006, deux volumes réunissant entretiens, discours et déclarations entre le 12 juin 1990 et le 19 juillet 1996 ont été édités par le comité en question (Glas javnosti, 21.04.2006, p. 19). Il est intéressant de relever que l'on ne trouve pas ces livres dans le catalogue de la Bibliothèque nationale de Serbie.

23.7.08

Futur procès de Radovan Karadzic

Radovan Karadzic sera probablement transféré la semaine prochaine au TPIY. Si l'on peut se réjouir de son arrestation, il faut rester prudent quand au procès à venir. Non seulement, les procès au TPIY sont une lourde machinerie mais il faudra compter sur l'absence de volonté de coopérer de Radovan Karadzic qui affirme vouloir se défendre seul puisqu'il ne reconnait pas l'autorité du tribunal, tout comme Milosevic et Seselj. Il a déjà commencé à se défendre par le silence à la Cour chargée de juger les crimes de guerre en Serbie. Les procès au TPIY sont particulièrement longs : il est difficile dans ces conditions de les suivre régulièrement. La dimension pédagogique de ces procès n'est pas facile à mettre en évidence.

Dragan Dabic alias Radovan Karadzic

On en sait désormais plus sur l'arrestation de Radovan Karadzic qui vivait sous l'identité de Dragan Dabic. Il avait même fait développer un site Internet pour la promotion de ses activités et services : http://www.psy-help-energy.com. On trouve également le site suivant : http://dragandabic.com

Sur ce dernier site, on y trouve la présentation suivante de son parcours :

"Dr. Dragan "David" Dabic was born some 60 years ago in a small Serbian village of Kovaci, near Kraljevo. As a young boy he liked to explore nearby forests and mountains, spending a lot of time on Kopaonik mountain where he tended to pick the omnipresent natural and potent medicinal herbs that grew there. As a young man he moved to Belgrade, and then on to Moscow where he graduated with a Psychiatry degree at the Moscow State University (Lomonosov). After Russia, Dr. Dabic travelled around India and Japan, after which he settled in China where he specialized in alternative medicine, with special emphasis on Chinese herbs. In mid 1990s Dr. Dabic returned back to mother Serbia for good.

Ever since, Dr. Dabic emerged as one of the most prominent experts in the field of alternative medicine, bioenergy, and macrobiotic diet in the whole of the Balkans, and is frequent guest on many forums, seminars and symposiums (Belgrade, Novi Sad, Pancevo, Sombor, Smederevo...) dedicated to these topics.

For panel invitations or private consultations Dr. Dragan Dabic can be reached at the following contact:

healingwounds @ dragandabic . com"

22.7.08

Serbian Epics (1992)

Pour mieux appréhender la personnalité de Radovan Karadzic, je vous invite à regarder le documentaire de Pawel Pawlikowski, Serbian Epics, produit en 1992, dès que vous en aurez l'occasion. Le film était au programme du dernier Festival international du film de La Rochelle en juin-juillet 2008. Il serait utile qu'il puisse être (re)diffusé sur une chaine de TV national.

Je vous renvoie vers une présentation du réalisateur et du film par Stéphane Mas, trouvé sur la Toile : http://peauneuve.net/article.php3?id_article=68.

Dans ce film, Radovan Karadzic se présente comme le descendant du réformateur de la langue serbe au XIXe siècle, Vuk Karadzic (n'ont-ils pas le même menton !).

Arrestation de R. Karadzic (suite)

Selon son avocat, Svetozar Vujačić, Radovan Karadžić aurait été arrêté vendredi 18 juillet dans un bus dans la banlieue de Belgrade, entre Novi Beograd et Batajnica. On lui aurait mis un chapeau sur la tête pour qu'il ne puisse pas identifier ceux qui l'arrêtait. Il semblait donc se déplacer seul, sans garde rapprochée. La question qui se pose est de savoir depuis combien de temps se trouvait-il dans les environs de Belgrade?

Le Parti socialiste de Serbie, partenaire du Parti démocrate au sein du nouveau gouvernement, a pris hier soir ses distances en déclarant qu'il était opposé à la livraison de citoyens de Serbie au TPIY bien qu'il s'agisse d'une obligation internationale de la Serbie. Il a précisé que le ministère de l'Intérieur, conduit par son leader Ivica Dačić, n'avait pas participé à la localisation de Radovan Karadžić, ainsi qu'à son arrestation.

Cette dernière ne constituait pas une obligation internationale pour la Serbie, dont on attend qu'elle encore au TPIY encore deux fugitifs, à savoir Ratko Mlad et Goran Hadžić.

Arrestation de Radovan Karadzic

Le Conseil pour la sécurité nationale de la République de Serbie a annoncé lundi soir que Radovan Karadzic a été arrêté. Selon l'agence Beta, l'arrestation se serait produite à Belgrade ou ses environs. On ne dispose pas encore des détails de l'opération. Selon un communiqué officiel, les forces du ministère de l'Intérieur n'auraient pas participé à l'opération.

L'arrestation de Radovan Karadzic n'était pas une obligation de la Serbie à qui l'on demandait surtout d'appréhender et de livrer au TPIY Ratko Mladic.

Cette arrestation intervient deux jours avant la visite du Procureur général du TPIY, Serge Brammertz, prévue le 23 juillet 2008.

Les autorités serbes actuelles semblent décidées à vouloir régler une fois pour toute la question de la coopération avec le TPIY qui entrave son cheminement vers l'adhésion à l'Union européenne.

17.5.08

Hold-up électoral ?

Les résultats des élections législatives n'ont pas encore été officiellement proclamés par la Commission électorale de la République de Serbie puisque le scrutin doit être renouvelé dans trois bureaux de votes dans les localités de Žagubica, Kraljevo et Srbica.

Cela retarde d'autant la constitution de la nouvelle assemblée.

Contre toute attente, les radicaux arrivaient en tête dans la plupart des sondages, la Coalition pro-européenne a réalisé le meilleur score avec 38,44% des voix et obtient ainsi 102 sièges à l'Assemblée de Serbie. Le Parti radical serbe se place en seconde position avec 29,36% des suffrages (soit 78 sièges), tandis que la coalition entre le Parti démocrate de Serbie et Nouvelle Serbie récolte 11,59% des voix lui donnant 30 sièges de députés.

La surprise est venue du score du Parti socialiste de Serbie qui, allié aux formations Parti des retraités unifiés de Serbie et Serbie unie, a obtenu 7,60% des suffrages et 20 sièges. Le résultat du SPS place ce parti en position d'arbitre pour la formation du futur gouvernement.

En effet, la Coalition pour la Serbie européenne ne dispose pas de la majorité absolue à l'Assemblée, il lui manque 24 sièges pour y parvenir. Or, les partis des minorités nationales et le Parti libéral démocrate n'ont pas un nombre de députés suffisant afin de permettre à cette coalition d'avoir la majorité nécessaire pour gouverner. La seule issue possible est d'établir un accord gouvernemental avec le Parti socialiste de Serbie, dirigé autrefois par Slobodan Milosevic.

N'attendant pas la proclamation officielle des résultats, ni la constitution de l'assemblée, encore moins la nomination d'un Premier ministre par le président du pays, Boris Tadic, le Parti radical serbe et le Parti démocrate de Serbie ont commencé des négociations qu'ils ont prolongé avec le Parti socialiste de Serbie sur un accord de gouvernement. Les négociations sont encore en cours mais ont bien progressé.

La logique institutionnelle voudrait que Boris Tadic nomme un Premier ministre issue de la Coalition victorieuse, à qui il reviendrait de trouver une majorité au parlement. En cas d'échec, et seulement alors, le président devrait nommer un autre chef de gouvernement susceptible d'obtenir la majorité absolue.

Vojislav Kostunica, le "légaliste", n'est pas très soucieux du respect des résultats électoraux et il se positionne déjà en futur chef du gouvernement alors que son parti n'a pas réalisé un bon score.

16.3.08

Essouflement de l'économie serbe ?

Si la Serbie a connu un taux de croissance de 7,5% en 2007, les tensions générées par l'indépendance du Kosovo et les élections parlementaires anticipées reflètant une certaine instabilité politique du pays ne sont pas pour renforcer la confiance dans l'économie serbe et les investissements étrangers. En 2007, la Serbie a atteint 70% du Produit intérieur brut qu'elle avait enregistré en 1989 ( Dnevnik, 06.01.2008, p. 21). Il lui reste encore beaucoup à faire pour rattraper son retard économique.

En 2007, le taux d'inflation s'est élevé à 10,1%. La dette extérieure s'est accrue pour atteindre 26,2 milliards de dollars - niveau de 2012 dans les prévisions de FMI - (Politika, 12.02.2008, p. A11). L'un des points faibles de l'économie serbe réside dans le déficit de son commerce extérieur qui a atteint 6,9 milliards de dollars l'année passée, soit 21,5% du PIB. Le déficit budgétaire de 50 milliards de dinars environ représente 7% du PIB en 2007.

12.3.08

Mars ou le mois des commémorations

Tandis que le 9 mars 2008, Vuk Draskovic commémorait les manifestations du 9 mars 1991 sur la place de la République à Belgrade, les partisans de Milosevic commémoraient la mort de l'ancien président serbe et yougoslave le 11 mars 2008 à Pozarevac. Aujourd'hui, 12 mars 2008, le Parti démocrate, mais aussi le Parti libéral démocrate commémoraient les cinq ans de l'assassinat de Zoran Djindjic.

Tandis que Vuk Draskovic déclarait qu'il fallait "empêcher le retour des forces du passé", les dirigeants socialistes affirmaient qu'ils préserveraient la mémoire de l'ancien président serbe. Aujourd'hui, Cedomir Jovanovic (LDP) indiquait que la Serbie devait revenir sur la voie que symbolisait Zoran Djindjic en abandonnant le chemin dont Slobodan Milosevic est le symbole.

La Serbie est à la croisée des chemins. Une réponse sur le chemin qui sera emprunté par la société serbe sera apportée en mai prochain lors des élections parlementaires anticipées.

28.2.08

Sondage : le SRS toujours devant

Selon un sondage récent conduit par l'agence Medium Gallup à Belgrade, le Parti radical serbe est soutenu par 39% des électeurs qui se prononceraient si des élections parlementaires avaient lieu. Il améliore son score de 10 points par rapport aux résultats des élections législatives de janvier 2007.

Le Parti démocrate et le G17 plus obtiendraient ensemble 37,5% des voix contre 29,5 % en janvier 2007.

Le Parti démocrate de Serbie et Nouvelle Serbie obtiendraient 10,3% des suffrages contre 16,6% en janvier 2007.

Le Parti libéral démocrate et la Ligue des sociaux-démocrates de Voïvodine attireraient 5,4% des voix et le Parti socialiste de Serbie 3,9%.

Le pays apparaît donc divisé avec un avantage, selon ce sondage, aux partis nationalistes.

Où va la Serbie ?

Tandis que Vojislav Kostunica déclare le 27 février 2008 à Russia Today que la Serbie ne peut entrer dans l'Union européenne qu'avec le Kosovo dans ses frontières, le président serbe Boris Tadic déclare dans un entretien à El Pais paru le 28 février que la Serbie ne renoncera pas à l'adhésion à l'Union européenne. Tandis que le chef du gouvernement pense que la Serbie ne doit pas normaliser ses relations avec les pays qui ont reconnu l'indépendance du Kosovo, le vice-premier ministre chargé des questions européennes, Bozidar Djelic, et Mladjan Dinkic, le ministre de l'économie, estiment que l'auto-isolement de la Serbie est une mauvaise solution.

Vojislav Kostunica est d'une mauvaise foi lorsqu'il précise à Russia Today : "Serbia cannot actually accept to be the only (eventually) EU member whose territorial integrity is not recognized. And it's quite clear: when our negotiations started with the EU, Serbia was recognized as a whole state, including Kosovo, and it's like that. So it's really a matter of principle, and there should be no calculations when it comes to that."

En effet, l'Accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne n'englobait pas le Kosovo. Or, V. Kostunica avait avalisé les négociations et le paraphage de cet ASA le 7 novembre 2007.

Comment la Serbie peut-elle avancer dans ce contexte? La question devra bien être tranchée. Vojislav Kostunica a-t-il un mandat clair de la part des citoyens serbes pour défendre une telle position? Boris Tadic a été élu début février sur l'idée que la Serbie ne devait pas renoncer à l'adhésion à l'Union européenne malgré l'issue injuste à la question du statut du Kosovo.

Vu les sérieuses divergences entre les partis de la coalition gouvernementale, une définition des objectifs stratégiques de la Serbie s'impose. De fait, il serait préférable de convoquer de nouvelles élections parlementaires pour trancher la question.

La Serbie peut-elle être l'otage du Kosovo et de ses 130 000 Serbes? S'il convient pour la Serbie d'aider les Serbes du Kosovo, le pays doit-il pour autant risquer son avenir, prendre le risque finalement de tout perdre. Les chances pour la Serbie d'améliorer sa situation économique seront d'autant plus grandes qu'elle intégrera l'Union européenne.

25.2.08

Page Débats du Figaro du 22 février 2008

Le quotidien Le Figaro a consacré toute sa page "débats" du 22 février 2008 à la question de l'indépendance du Kosovo avec des textes de Peter Handke, Jean-Pierre Chevènement et Serge Métais. Je ne m'attarderai pas ici sur la contribution de Peter Handke qui aura jusqu'au bout soutenu la politique de Slobodan Milosevic.

Jean-Pierre Chevènement, quant à lui, s'est largement laissé influencer par le discours nationaliste serbe, lorsqu'il écrit : "Que la démographie ait changé, assurément. Belgrade elle-même favorisa cette évolution en accueillant généreusement dans sa province du Kosovo les Albanais qui fuyaient la dictature d'Enver Hodja."

En effet, il laisse entendre que la population albanaise serait devenue plus nombreuse grâce à la générosité des autorités yougoslaves qui auraient accueilli en nombre des Albanais fuyant l'Albanie d'Enver Hodja. Or, la réalité historique est tout autre. Lorsque la Serbie récupère le Kosovo en 1912, la population albanaise y est déjà majoritaire. C'est d'ailleurs pour cette raison que les autorités yougoslaves élaboreront un plan de colonisation du Kosovo pendant l'entre-deux-guerres dans le but d'y installer des paysans serbes et monténégrins (13 000 familles environ, soit 59 294 personnes en 1939). De la même façon, le gouvernement yougoslave conclura en 1938 un accord avec la Turquie dans le but de déplacer 200 000 musulmans albanais vers la Turquie. Cet accord paraphé par les deux gouvernements ne connaîtra pas d'application étant donné d'une part, les problèmes pratiques posés par le déplacement de dizaines de milliers de personnes (transport notamment) et d'autre part, l'éclatement de la Deuxième Guerre mondiale.

En 1948, les Serbes ne constituent que 23,6% de la population. Mais revenons à la question des réfugiés albanais d'Albanie.

Au cours de la seconde moitié des années 1980 s'est répandu le bruit, en Serbie, que des dizaines de milliers d'Albanais d'Albanie s'étaient installés au Kosovo pendant la Deuxième Guerre mondiale. Certains historiens ont avancé le chiffre de 80 000 à 100 000 Albanais (Dusan Batakovic par exemple) sans jamais apporter d'éléments convaincants pour étayer leurs affirmations. Vojislav Seselj, le chef du Mouvement tchetnik serbe (SCP) et plus tard du Parti radical serbe (SRS) a avancé, lui, le chiffre extravagant de 360 000 Albanais installés au Kosovo entre 1941 et 1945.

Ces chiffres sont exagérés et ne correspondent pas à la réalité. En effet, si on prend en considération les données démographiques de l'année 1939, ainsi que le nombre de victimes et de personnes expulsées du Kosovo pendant la guerre, on serait arrivé à un nombre encore bien supérieur d'Albanais en 1948.

Où est la vérité? Les autorités fédérales yougoslaves ont publié des chiffres sur le nombre d'Albanais d'Albanie installés en Yougoslavie entre 1941 et 1988 (voir le quotidien Politika, 29.12.1988, p. 10). Elles ont ainsi constitué une liste de 11 242 personnes. De 1948 à 1988, on comptabilise 7 137 réfugiés albanais d'Albanie. La plupart d'entre eux sont arrivés entre 1952 à 1956.

Les autorités yougoslaves ont estimé, par ailleurs, que 4 000 Albanais du Kosovo partis en Albanie avant 1941 seraient revenus vivre au Kosovo après 1941 sans être comptabilisés officiellement.

Par conséquent, le nombre d'Albanais d'Albanie installés en Yougoslavie entre 1941 et 1988 était estimé à 15 000. Cet apport démographique n'est donc pas si important que cela. Que Jean-Pierre Chevènement ait utilisé cet argument est symptomatique de ses alliances douteuses avec les nationalistes serbes.

Serge Métais, quant à lui, reprend la vulgate nationaliste albanaise lorsqu'il met l'accent sur l'invasion des Slaves dans les Balkans pour prétendre que finalement les Albanais ont précédé les Serbes au Kosovo. Les Serbes n'auraient pris le contrôle du Kosovo qu'au XIIIe siècle. L'Etat médiéval serbe, connu sous le nom de Rascie, s'étend au Kosovo (Prizren) et au nord de la Macédoine (Skopje) entre 1180 et 1190 sous le souverain Stefan Nemanja qui intégre à son Etat également la Zeta (Monténégro actuel) et la principauté de Hum dans l'arrière-pays de Dubrovnik. Nous sommes donc là à la fin du XIIe siècle et non au XIIIe siècle. De surcroît, le fait que l'Etat de Rascie ne s'étendait pas avant jusqu'au Kosovo ne signifie pas que cette région n'était pas peuplé de Slaves.

22.2.08

Les démocrates prisonniers des nationalistes

Le jour de la proclamation de l'indépendance du Kosovo, les deux têtes de l'Etat de Serbie se sont prononcés : Boris Tadic, président de la République, et Vojislav Kostunica, chef du gouvernement.

Si les deux hommes ont condamné l'indépendance, leurs deux discours étaient bien distincts. Le chef du gouvernement a tenu un discours à fort teneur idéologique dénonçant principalement la violence des Etats-Unis et de l'OTAN :

"The unilateral proclamation of the phoney state under the patronage of the US and the EU represents the final act of a policy of force that started with aggression and the insane bombardment of Serbia and then continued with the arrival of NATO troops in Kosovo-Metohija. Never before has the truth been clearer than it is today, on February 17, as to why Serbia was savagely destroyed with NATO bombs. The real foundations of the phoney state of Kosovo are the bombs that NATO used to destroy Serbia. This is why the real truth needs to be told, that behind this phoney state lie the military interests of NATO, which is also confirmed in Annex 11 of Ahtisaari’s plan. Only in that way could this phoney state be created, and it will for ever remain phoney even if the Western countries sacrifice the entire world order and risk peace for its recognition.

The President of the US, who is responsible for this violence, and his European followers, will be noted in bold letters in Serbian history books, but also in the history of international law and world order that international law guarantees."

Tandis que le président serbe a mis l'accent sur la réaction pacifique que devait avoir les Serbes face à l'indépendance du Kosovo :

"Encore une fois, j'appelle tous les fonctionnaires d'Etat et les chefs de tous les partis politiques en Serbie à agir de manière responsable en cette situation. Je demande à tous les hommes politiques qu'ils appellent à la paix, au sérieux et à la retenue dans leurs déclarations. Il faut immédiatement mettre de côté les intérêts partisans afin que l'Etat, dans cette situation pleine de défis, puisse agir de manière responsable et unie."

Boris Tadic ne s'en est pris à aucun pays dans son discours.

De fait, les deux hommes représentent deux visions de l'avenir de la Serbie. En effet, tandis que Vojislav Kostunica est prêt à sacrifier l'avenir européen de la Serbie, en bon anti-occidental qu'il est, Boris Tadic ne remet pas en question la perspective d'adhésion à l'Union européenne.

Ne souhaitant pas organiser d'élections parlementaires anticipées, le Parti démocrate de Boris Tadic s'est laissé prendre dans l'étau des nationalistes. Kostunica ne représente plus grand chose sur le plan électoral mais il continue de vouloir décider au nom de tous les Serbes. Ce n'est pas à lui de se prononcer sur la question de l'adhésion à l'Union européenne, mais aux citoyens.


21.2.08

La Serbie démocratique et le Kosovo

L'un des arguments des autorités serbes pour préserver le Kosovo dans les frontières de la Serbie était la mise en avant du caractère démocratique du régime en place depuis la chute de Milosevic en octobre 2000.

Pourtant, la culture politique démocratique est-elle consolidée en Serbie? Ces derniers jours, de nombreux signes ont été envoyés qui peuvent nous inquiéter.

Ainsi, le chef du Parti socialiste de Serbie, en pleine assemblée nationale, demande l'interdiction des partis politiques et des ONG qui reconnaissent l'indépendance du Kosovo (B92, 18.02.2008). De fait, ces propos visaient principalement le Parti libéral démocrate (LDP) qui demeure une force politique marginale. Son candidat à l'élection présidentielle en janvier dernier, Cedomir Jovanovic, n'a obtenu que 219 689 voix (5,34% des suffrages).

Le ministre pour les infrastructures, Velimir Ilic, chef du parti Nouvelle Serbie, a déclaré que "briser des vitres" (allusion était faite aux fenêtres de l'ambassade de Slovénie à Belgrade brisées par des jets de pierre) "c'était la démocratie" (B92, 20.02.2008) et a justifié la violence dans les rues de la capitale serbe.

Le Kosovo et l'enjeu du développement économique

La province du Kosovo à l'intérieur de la Serbie était l'une des régions les plus pauvres de Yougoslavie. Elle recevait à ce titre des aides fédérales pour son développement économique. Néanmoins, ces aides n'ont pas toujours été utilisées à bon escient, loin de là.

Le Kosovo a population d'Europe la plus jeune. Plus de la moitié de la population a moins de 25 ans. La tranche des 15 à 25 ans représentent 20% environ de la population. Dans ce contexte particulier, le marché du travail apparaît trop faible pour absorber les dizaines de milliers de jeunes qui se lancent dans la recherche d'un emploi chaque année. Les emplois créés dans les secteur public et privé sont largement insuffisants.

Les estimations du taux de chômage varient entre 40% et 55%. Néanmoins, l'économie "grise" étant importante, le taux de chômage réel devrait être inférieur à cette fourchette.

Le problème du Kosovo réside dans le fait que 98% des entreprises sont des petites entreprises employant entre une et dix personnes. On ne compte que 10% d'entreprises engagées dans des activités manufacturières. De ce fait, le Kosovo enregistre un déficit commercial très important représentant 50% environ du Produit intérieur brut.

L'un des principaux enjeux pour les autorités du Kosovo est d'attirer les investissements étrangers, en particulier dans l'industrie manufacturière dans le but de réduire le chômage. Toutefois, l'état actuel de l'approvisionnement en électricité (nombreuses coupures) ne permet pas de rendre le Kosovo attractif, sans compter le niveau de formation général insuffisant, les infrastructures routières en mauvais état.

Les problématiques économiques du Kosovo sont davantage celles du monde en développement que celles de l'Union européenne développée.

20.2.08

Indépendance, indépendance

L'indépendance du Kosovo a été proclamée, dimanche 17 février 2008, lors d'une session extraordinaire de l'assemblée de cette province du sud de la Serbie.

Dans la réalité le Kosovo ne sera pas si indépendant que cela, sa souveraineté étant limitée à bien des égards. En effet, le Kosovo demeure sous protectorat international. Tout comme l'est la Bosnie-Herzégovine depuis fin 1995. A la mission des Nations unies succèdera une mission de l'Union européenne. D'ailleurs, le mouvement Autodétermination s'est opposé à cette perspective estimant que le Kosovo devait devenir pleinement indépendant.

En effet, les domaines régaliens tels que la sécurité (défense, police) et la justice seront supervisés par le Représentant civil international. Ainsi, le plan Ahtisaari qui définit le cadre de l'indépendance du Kosovo précise dans son article 9 :

"9.3 Le Représentant civil international et la Présence militaire internationale surveilleront et orienteront le développement et l’évolution des organes de sécurité du Kosovo, conformément aux dispositions du présent Règlement et à leurs mandats respectifs."

Dans le domaine de la justice et de la police, le document précise :

"13.3 La Mission PESD appuiera l’application du présent Règlement; elle assurera encadrement et surveillance et prodiguera des conseils en ce qui concerne l’état de droit en général, et exercera certains pouvoirs touchant en particulier la justice, la police, les douanes et le système pénitentiaire, selon des modalités et pendant une période que le Conseil de l’Union européenne déterminera, ainsi qu’il est dit aux
annexes IX et X au présent Règlement."

Les pouvoirs du Représentant civil international, sorte de "super gouverneur" du Kosovo, sont définis à l'article 12 du plan Ahtisaari, ainsi que dans l'annexe IX. On relève notamment :

"12.4 Ainsi qu’il est dit à l’annexe IX au présent Règlement, le Représentant civil international exercera certains pouvoirs qui lui permettent de veiller, notamment en assurant la surveillance voulue, à ce que le présent Règlement soit intégralement appliqué, entre autres celui de prendre les mesures voulues pour prévenir toute infraction au présent Règlement et remédier à celles qui se produiraient. Des pouvoirs seront également conférés à la mission créée dans le cadre de la Politique européenne de sécurité et de défense (« la Mission PESD »), dont le Représentant civil international assurera la direction en sa qualité de Représentant spécial de l’Union européenne, ainsi qu’il est dit à l’annexe IX du présent Règlement."

Annexe IX - "2.4 Le Représentant civil international supervise le développement des institutions
civiles du Kosovo et exerce notamment un contrôle civil sur ses institutions de sécurité, sans préjudice des responsabilités de l’OTAN et de la présence militaire internationale en matière de création et de contrôle civil de la Force de sécurité du Kosovo, prévues à l’article 14.5 du présent Règlement."

Nombre de dispositions devront être élaborées "en consultation avec le Représentant civil international" :

- "8.1 Le Kosovo se donnera les politiques économiques, sociales et fiscales nécessaires à une économie viable. En particulier, pour asseoir un solide système de comptabilité publique, il instituera avec la Commission européenne, et en étroite coopération avec le Fonds monétaire international, un mécanisme de surveillance budgétaire. Le Kosovo établira son budget en consultation avec le Représentant civil international."

- "10.1 Dès que le présent Règlement entrera en vigueur, le Président du Kosovo nommera, en consultation avec la présidence de l’Assemblée du Kosovo, une commission constitutionnelle chargée de rédiger la constitution en consultation avec le Représentant civil international, conformément au présent Règlement."

- Annexe III ; "14.1 Un an après l’entrée en vigueur du présent Règlement, le Kosovo, agissant en
consultation avec le Représentant civil international, organise un recensement de la population qui doit se conformer aux normes internationales et se dérouler en présence d’observateurs internationaux. Dans ce contexte, la République de Serbie et les autres pays limitrophes du Kosovo devraient autoriser un organisme
international à enregistrer les réfugiés et les personnes déplacées qui souhaitent retourner au Kosovo."

- Annexe VIII ; "6.1 Le Corps de protection du Kosovo, ayant atteint ses objectifs, et notamment facilité le redressement du Kosovo après le conflit, est dissout. La Présence militaire internationale, en consultation avec le Représentant civil international et le Kosovo, exerce son autorité sur le Corps de protection du Kosovo et décide du moment où le dissoudre. La dissolution aura lieu dans l’année suivant la fin de la période de transition prévue à l’article 15 du présent Règlement. La communauté internationale met au point un plan de démobilisation et de réinsertion à l’intention des anciens membres du Corps."

L'indépendance et la souveraineté du Kosovo sont donc relatives. En effet, il s'agit bien d'une "indépendance supervisée" par l'Union européenne et l'OTAN. Or, en droit international, on reconnaît un Etat lorsque celui-ci dispose d'un gouvernement souverain capable d'exercer son autorité sur l'ensemble de son territoire. De fait, la proclamation de l'indépendance et la perpétuation du protectorat international sont antinomiques.

19.2.08

"L'assistant " Tomic et le Docteur Seselj

J'ai été sollicité en mai 2004 par le Bureau du procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie afin de rédiger un rapport sur l'idéologie de la Grande Serbie, ainsi que sur les idées politiques de Vojislav Seselj, président du Parti radical serbe (SRS).

J'ai remis la version définitive de mon rapport en juin 2005. J'ai été ensuite dans l'attente du début du procès qui a commencé une première fois en novembre 2006 avant d'être reporté à une date utérieure. Le procès a repris en novembre 2007. Mon témoignage est donc intervenu plus de deux ans après la remise de mon rapport. Le facteur temps est un élément à prendre en considération.

Avant mon apparition devant la Cour du TPIY le 29 janvier 2008, Vojislav Seselj aura tout fait pour que mon rapport ne soit pas validé et que je ne témoigne pas en qualité d'expert témoin. Néanmoins, la Cour a reconnu ma qualité d'expert dans une décision du 15 janvier 2008. Auparavant, il avait mobilisé ses "conseillers historiens" pour contester la validité de mon rapport. Chacun pourra apprécier le style et le niveau des critiques formulées dans le document suivant.

Quelques minutes avant que je ne sois interrogé par l'accusation, V. Seselj a attiré une nouvelle fois l'attention des juges sur le fait que je n'étais pas un "témoin impartial" mais un "opposant passionné au Parti radical serbe" :

"I have supplied you with five articles by Mr. Tomic, from which it can be seen that he is an ideologically passionate opponent of the Serbian Radical Party of which I'm still the president, and this was confirmed at the party congress in 2006. He uses political terms such as extremist, nationalist, ultra-nationalist, and he's a member of a political organization which is called, The French Association for Studies of the Balkans, which is conducting an anti-Serbian campaign and is engaged in destructive political activity and a member is the Montenegrin prince, Nikola Petrovic-Njegos, who has pretensions to the Montenegrin throne. This delegation was -- consistently advocated the break-up of the association of Serbia and Montenegro, so that he's involved in the break-up of Yugoslavia, in the break-up of Serbia, and I have provided you and the members of the Trial Chamber with these documents to show that I have evidence that he is not neutral and impartial. But it is up to you.I am in your hands, and I am ready for the cross-examination.(...)".

Bien entendu, l'Association française d'études sur les Balkans n'est pas un parti politique menant des "activités politiques destructrices". Elle n'est pas non plus un think-tank et ne formule pas, par conséquent, de recommandations à destination des décideurs. De surcroît, Nikola Petrovic-Njegos n'en est pas membre. Mais V. Seselj a peut-être confondu l'AFEBALK avec le Courrier des Balkans, qui par ailleurs n'est pas non plus un parti politique.

A défaut d'aborder sérieusement les points essentiels de mon rapport, Vojislav Seselj a perdu beaucoup de temps à tenter de me décrédibiliser auprès des juges, affirmant que je ne connaissais rien à l'histoire de la Serbie, que je ne suis "ni un intellectuel, ni un scientifique", que suis un "incompétent" :

"
First of all, Mr. President, I wish to prove to you that this witness is absolutely incompetent to testify as an expert on these issues. For him to be an expert in this trial his knowledge of these issues would have to be greater than mine. If I am a full-time professor we would need an eminent member of the academy here who would say he says this, this, this, and this and, that's his ideology. Yet here is a man who is hardly qualified to be an assistant professor, and he knows nothing. That's what I want to demonstrate to you. He's worse than Oberschall. He knows nothing about anything."

Je suis resté calme face à tous ces propos. Lui même qui prétend tout savoir ne connaissait pas le traité conclu entre la Yougoslavie et la Turquie en 1938 dans le but de déplacer 200 000 musulmans de Yougoslavie vers la Turquie. Lorsque j'ai mentionné cet accord, il a prétendu qu'il s'agissait d'un faux :

"Your Honour, I have noticed that the witness is expanding the scope of his expert report, of its contents, and I insist that he bring the secret document tomorrow, the document that was an agreement between the Government of Yugoslavia and Turkey, a document on moving 200.000 Muslims to Turkey. He should bring this document because I am claiming that this is fabricated".

Le premier jour du contre-interrogatoire, Vojislav Seselj a tenté de remettre en cause ma qualité d'expert. Il m'a soumis des phrases isolées tirées de certains de mes textes dans lesquelles je qualifie le Parti radical serbe de parti d'extrême-droite ou d'ultra-nationaliste :

V. Seselj : "Dans une phrase, au paragraphe 5, vous avez dit : "La scène politique est vraiment nettoyée. Le Parti radical serbe, formation de l'ultra droite et le parti de Vojislav Seselj se trouve presque détruit."

Je n'ai pas voulu me prononcer sur cette phrase ne reconnaissant pas là mon vocabulaire habituel. S'agissant d'un texte du 5 octobre 2000, il m'était difficile d'affirmer quoi que ce soit sans visualiser le texte en entier.

Or, la phrase était la suivante : "La scène politique a effectivement été "nettoyée" : le Parti radical serbe de Vojislav Seselj, formation ultra-nationaliste participant à la coalition gouvernementale en Serbie, et le Mouvement serbe du renouveau de Vuk Draskovic qui prétendait à la suprématie au sein de l’opposition ont été laminés."

Mais lorsque j'écrivais "nettoyée", je faisais référence à une déclaration de Slobodan Milosevic reprenant ici son registre de vocabulaire :

"Après avoir voté, le président yougoslave déclarait à la télévision officielle qu’il s’attendait à ce que "la scène politique de la Serbie soit déblayée..." Elle a été effectivement dégagée, mais pas comme il le prévoyait. Son parti, associé à la Gauche unifiée yougoslave, dirigée par son épouse, est en recul significatif partout en Serbie. Sa défaite est encore plus flagrante aux élections locales : à Belgrade, l’Opposition démocratique de Serbie obtient cent cinq mandats sur les cent dix que compte l’assemblée locale. L’opposition l’emporte dans une centaine de municipalités : Novi Sad, Nis, Kragujevac, Valjevo, Kraljevo, Krusevac, etc. La "coalition de gauche" ne se maintient que dans les zones périphériques sous-développées du sud et du sud-est de la Serbie. La scène politique a effectivement été "nettoyée" : le Parti radical serbe de Vojislav Seselj, formation ultra-nationaliste participant à la coalition gouvernementale en Serbie, et le Mouvement serbe du renouveau de Vuk Draskovic qui prétendait à la suprématie au sein de l’opposition ont été laminés. Les radicaux ont perdu la seule commune qu’ils administraient, Zemun, dans la banlieue de Belgrade. Le mouvement de Draskovic qui détenait le pouvoir local à Belgrade n’a plus un seul élu dans la capitale. La scène politique a connu un véritable séisme : l’Opposition démocratique de Serbie, emmenée par Vojislav Kostunica et Zoran Djindjic est devenue de loin la principale force politique du pays."

Lors du contre-interrogatoire, V. Seselj m'a posé des questions pendant une bonne heure sur le Moyen Âge, période qui n'était pas l'objet de mon rapport. Je n'ai pas écrit une histoire de la Serbie du Moyen-Âge à nos jours, mais un texte sur l'idéologie grand-serbe aux XIXe et XXe siècles. De fait, V. Seselj n'a pas su gérer son temps, quatre heures au total. Il s'en est rendu compte bien tardivement.

Il m'a reproché de n'avoir pas mentionné dans mon rapport les premiers Etats serbes créés aux IX et Xe siècles :

V. Seselj : Which Serbian historian considers that the true Serbian state begins with Stefan Nemanja? Give me his first and last name?

Y. Tomic : The history of Serbs of Vladimir Corovic, for instance.

V. Seselj : You didn't read that in Vladimir Corovic. You just think you did.


Et pourtant, Vladimir Corovic écrit dans son Istorija Srba (je cite ici l'édition de 1995 publié par BIGZ à Belgrade) :

"A partir de Nemanja commence le véritable Etat serbe médiéval ; jusqu'à son apparition nous n'avions que l'histoire de tribus, des mouvements locaux et des tentatives individuelles, mais nous n'avions pas de véritable pensée étatique et de créations étatiques durables." (p. 131)

Vojislav Seselj utilise Vladimir Corovic comme bon lui semble.

V. Seselj a prétendu que j'avais utilisé de faux documents à propos du mouvement de la Ravna Gora (appelé également mouvement tchetnik) fabriqués par les communistes au moment du procès contre Draza Mihailovic en 1946. Mais il n'a pas apporté les preuves qu'il s'agissait de faux. Or, les documents que j'ai cités, en particulier la directive de Draza Mihailovic aux commandants tchetniks monténégrins Djordje Lasic et Pavle Djurisic du 20 décembre 1941 et les rapports rédigés par Pavle Djurisic à propos d'opérations contre des musulmans de Bosnie et du Sandzak en janvier et février 1943 ne sont pas des faux.

Une copie du premier document, ou en tout cas son contenu, s'est retrouvée en 1942 entre les mains de Luca Pietromarchi à la tête du "Cabinet de l'armistice et de la paix" chargé des affaires économiques et politiques des pays européens sous domination italienne (H. James Burgwyn, Empire on the Adriatic : Mussolini's conquest of Yugoslavia 1941-1943, New York, Enigma Books, 2005, p. 144). Un faux fabriqué par les communistes en 1946 dans les mains de dirigeants italiens en 1942 ? Cela ne tient pas la route.

Nikola Kostic, historien spécialiste du Mouvement de la Ravna Gora, à propos des rapports de Pavle Djurisic déclare au quotidien Vecernje novosti, le 15 janvier 2007, que les originaux existent. Sauf, qu'il ne mentionne qu'un des rapports alors qu'il en existe deux. Nikola Kostic a contribué par ses écrits à la réhabilitation du mouvement dirigé par le général Draza Mihailovic.

De fait, je constate que dès que l'on évoque la face d'ombre du mouvement de la Ravna Gora, ses partisans évoquent des falsifications de l'histoire.

Après mon témoignage, le juge Antonetti a attiré l'attention de M. Seselj sur son manque de sérieux :

"However, since this trial started, I must note, and we must note,that Mr. Seselj has a very hard time giving the documents he wants to show ahead of time. Most of the time these documents are not translated into English, which is a handicap for us. Secondly, I don't have the documents myself in hand. Normally, usually these documents are just presented on the ELMO and used as of the ELMO, and I don't even have them in my hands.

I want to be able to hold this document in order to read it from top to bottom and in order to study it. When it is on the ELMO, I believe this is not possible.

Mr. Seselj has been preparing for this trial for five years, and I'm quite surprised that after five years, we have witnesses that are heard but are that heard in a very chaotic fashion. No file has been put together, documents are not correctly presented, and documents come out of the blue, if I could say so, during cross-examination.

I think it's still possible, you know, to get back on course. I'm sure it is very possible for everyone to prepare themselves effectively, because what's important, and this is what we have in Rule 90(F), deals with evidence.

When the Prosecution the file, the binders, and has the documents together in the binder and asks for them to be tendered, they are admitted; but if Defence is always talking about documents that are not
admitted, how can a decision be made in the end? The decision will only be made on the documents that have been admitted, and sometimes, unfortunately, for Defence only the documents from the Prosecution were
correctly admitted.

So as President of this Trial Chamber, as Judge, I must absolutly draw Mr. Seselj's attention on this problem.

Mr. Seselj, you usually make great statements, but these statements are not corroborated by any document whatsoever; and, therefore, your words have a very -- have very little weight, if any. I'm telling you this now, but Judge Robinson, Presiding Judge of the President Milosevic case, already said that to Mr. Milosevic, because Milosevic was doing exactly the same thing. Mr. Milosevic was stating facts but without backing it by documents, and the Judges wanted documents. You cannot state anything without backing it by documents, with documents, because otherwise there will be no probative value to your words.

There are two essential elements you must take into account when you present your evidence. One, you must make sure that it is relevant. When you're asking a question, when you're tendering a document or showing
a document, you must absolutely wonder first whether it's relevant or not.

If it is not relevant, the Judges will not even take into account your demonstration. They will not understand the point of your questions,which is why my fellow Judges and myself have wondered at times, you know,where the relevance was in all this. So please, try and tell Judges that you're going to ask a question for a specific purpose: "I'm asking this question because it deals with paragraph X in the indictment, where this is said, and I'm going to prove the exact on site." Then we'll understand.

Let me give you an example. Yesterday, we spent a great amount of time on the 9th and 10th century, and some could really wonder whether this was relevant or not. We really had to delve into the crux of the matter and go very deeply to eventually come up with a connection. So we must absolutely save time. Remember, as Judges, we are duty-bound to make sure that we save time and we don't waste time. So when you think that maybe there's a problem of relevance, it's true that this is a very complex case. When there is a problem of relevance, shed light on our minds, on minds of the bunch, and say: "I'm asking this question for this reason because this is what I want to demonstrate." Then we understand, and then you prove your point. We know what the relevance is.

The second element that is absolute essential is probative value.It's useless to try and defend yourself if the evidence that you're admitting or at least tendering has hardly any probative value, if any, because it will not be used in the final decision. I'm reminding you of all this because you absolutely must keep this mind. I'm not the first one to say this. In the Milosevic case, Judge Robinson told Mr. Milosevic that since he was defending himself, since he had no lawyer, no counsel, he said, "I will help you. I will give you some elements of advice." This is exactly what I'm doing, because a fair trial is a trial where everybody has equality of arms. If I find out that this equality of arms is not respected, if Defence is in jeopardy because technically it has failings, I must absolutely remind you of this and tell you of this."

15.2.08

Analyse des résultats de l'élection présidentielle en Serbie

Le premier tour de l'élection présidentielle, le 20 janvier 2008, a révélé une certaine bipolarité de la scène politique serbe. En effet, les deux candidats arrivés en tête ont attiré un grand nombre de voix dès le premier tour, les sept autres candidats n'ayant réuni à eux tous que 935 171 suffrages, soit 22,44% du nombre total de votants (4 116 844 personnes). Tomislav Nikolic (SRS) et Boris Tadic (DS) ont rassemblé à eux deux 3 103 202 suffrages, soit 75,38% du nombre total des votants. En juin 2004, les deux mêmes candidats ne séduisaient que 57,95% des votants au premier tour. La participation avait été plus faible (47,75%) en 2004 et quinze candidats s'étaient présentés. Néanmoins, la dernière élection présidentielle indique clairement que deux partis attirent désormais l'essentiel des voix, à savoir le Parti radical serbe et le Parti démocrate.

Comme je l'ai indiqué lors d'une conférence sur le Kosovo au CERI en janvier dernier, Vojislav Koštunica, le chef du gouvernement de coalition, a pris un risque énorme en appelant à voter au premier tour pour Velimir Ilić, leader du parti Nouvelle Serbie. En effet, ce candidat a réalisé un score médiocre révélant une influence réduite de Vojislav Koštunica sur les électeurs. Velimir Ilić n'a obtenu que 305 828 voix. Ce score est inférieur au score de Dragan Maršićanin, candidat de la coalition Parti démocrate de Serbie-Nouvelle Serbie-G17 Plus-Mouvement serbe du renouveau, qui avait obtenu 414 971 voix en 2004. De fait, le poids électoral de Vojislav Koštunica s'est nettement réduit ces dernières années. Sa légitimité est remise en cause, mais il n'en continue pas moins à vouloir imposer sa propre politique aux partenaires de la coalition.

Toutefois, le Parti démocrate a bien compris quel était aujourd'hui le poids réel du Parti démocrate de Serbie présidé par Vojislav Ko
štunica et a rejeté la politique de chantage du chef du gouvernement après le premier tour de l'élection.

(à suivre) ...

12.2.08

Procès Seselj et médias serbes

J'ai témoigné ces deux dernières semaines au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie au procès contre Vojislav Seselj, en tant que témoin expert.

J'ai été effaré par la façon dont les médias serbes ont relaté mon témoignage.

De fait, le procès n'intéresse pas les médias qui se contentent de relayer des dépêches d'agences, et principalement celles de l'agence BETA présente au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

Cette agence n'a cessé ne diffuser des informations erronées me concernant sans jamais les corriger.

Selon BETA, et tous les quotidiens qui se sont appuyés sur les dépêches de cette agence, j'étais professeur à la Sorbonne alors que cela ne correspond pas du tout à la réalité. Ainsi, dans certains quotidiens, j'étais présenté comme "expert de la Sorbonne".

Ne parlons pas de Politika qui dans son édition du 30 janvier 2008 me présente comme "citoyen français d'origine croate", alors que je suis d'origine serbe.

Par ailleurs, les points de l'interrogatoire par l'accusation et du contre-interrogatoire par l'accusé présentés dans les médias n'étaient pas toujours, loin de là, les plus pertinents par rapport à l'ensemble des questions posées et du contenu des réponses.

3.1.08

Election présidentielle en Serbie, le 20 janvier 2008

La campagne présidentielle est désormais lancée.

La coalition gouvernementale est divisée : deux candidats la représentant, Boris Tadic d'une part, soutenu par le Parti démocrate et le G17 Plus, et Velimir Ilic d'autre part, appuyé par les partis Nouvelle Serbie et le Parti démocrate de Serbie (DSS) du premier ministre Vojislav Kostunica.

De fait, cette configuration est logique et est conforme aux deux pôles existants au sein de la coalition gouvernementale, l'un plus européen (Parti démocrate et G17 Plus) et l'autre beaucoup moins.

Vojislav Kostunica a indiqué jeudi 3 janvier 2008 dans une déclaration que "L'UE doit choisir si elle veut signer un Accord de stabilisation et d'association (ASA) avec la Serbie ou envoyer, sous la pression des Etats-Unis, une mission pour mettre en oeuvre une indépendance sous supervision du Kosovo, dérobant une partie du territoire de la Serbie". [Voir le site du gouvernement de Serbie : http://www.srbija.sr.gov.yu/vesti/vest.php?id=80964 (en serbe) ; http://www.srbija.sr.gov.yu/vesti/vest.php?id=42143 (en anglais)]

C'est donc à l'Union européenne de choisir : "Donc, le 28 janvier, l'UE choisit si elle veut participer au démembrement de la Serbie ou si elle veut signer l'Accord avec la Serbie en tant que partenaire. L'un exclut l'autre, de telle sorte que l'UE ne peut pas simultanément le 28 janvier découper la Serbie et avec une telle Serbie signer l'Accord".

Il s'agit de l'Accord de stabilisation et d'association (ASA) qui a pourtant déjà été paraphé par le gouvernement serbe alors que le texte prévoit clairement qu'il ne concerne pas le territoire du Kosovo.

Simple effet d'annonce à usage interne dans le contexte de la campagne électorale actuelle ou bien orientation politique clairement assumée? Selon moi, l'UE devrait davantage prendre au sérieux les propos de Vojislav Kostunica qui ne porte pas le monde occidental dans son coeur.

Cependant, le 20 janvier prochain, on verra ce que pèse réellement le Parti démocrate de Serbie à travers le résultat de Velimir Ilic.

Le candidat du Parti radical serbe, Tomislav Nikolic se voit déjà en grand vainqueur dès le premier tour.

A suivre ...