20.10.09

L'avenir de la Bosnie-Herzégovine en discussion à Butmir (1)

Les Etats-Unis et l'Union européenne ont pris l'initiative de relancer le processus de révision de la Constitution de la Bosnie-Herzégovine afin de renforcer les institutions centrales du pays pour mieux le préparer à adhérer à l'Union européenne. La Croatie, la Serbie et la Macédoine ont enregistré des progrès significatifs dans leur cheminement vers l'intégration européenne en 2009. La Bosnie-Herzégovine, quant à elle, est à la traîne.

Il convient de rappeler que la Constitution actuelle de la Bosnie-Herzégovine n'a pas été élaborée par les acteurs politiques locaux, mais principalement par les Etats-Unis. Le texte fondamental constitue d'ailleurs l'annexe 4 des accords de paix de Dayton conclus en novembre 1995. La classe politique bosnienne n'est donc pas responsable des travers de cette Constitition qui entérine la division ethnique du pays et accorde la primauté aux collectivités nationales/ethniques plutôt qu'aux citoyens. En 1995, l'ensemble des dirigeants bosniens ne se seraient pas entendus à propos de la définition des institutions du pays.

Dans le cadre actuel, le parlement central est composé de deux chambres. La chambre des peuples comptant 15 membres : 10 représentants de la Fédération croato-bosniaque (5 bosniaques musulmans, 5 croates) et 5 représentants serbes de la Republika Srpska. Ces représentants sont élus par les parlements des deux entités. La chambre des représentants compte 42 membres : 2/3 de représentants de la Fédération croato-bosniaque (soit 28 députés) et 1/3 de représentants de la Republika Srpska (soit 14 députés).

Pour être validées, les lois doivent être votées par au moins un tiers des représentants de chacune des entités au sein de la chambre des représentants. Les lois doivent être approuvées par la majorité des délégués de chacune des communautés nationales.

Les députés du parlement de Bosnie-Herzégovine ont donc la possibilité de bloquer des lois qui ne serviraient pas les intérêts nationaux de chacune des communautés.

On retrouve cette possiblité de blocage au sein de la Présidence de la Bosnie-Herzégovine, composée d'un Bosniaque, d'un Croate et d'un Serbe. Chaque membre dispose d'un droit de véto sur les lois soumises à signature. Tout refus de valider une loi doit être approuvé par le parlement de l'entité d'origine du membre de la présidence en question à une majorité des deux tiers.

Chaque communauté nationale dispose par conséquent de leviers multiples pour bloquer des lois qui nuiraient à ses intérêts dits "vitaux".

Chacune des deux entités possèdent leurs propres institutions : président, gouvernement et parlement.

Il ressort de cette brève présentation que les institutions politiques du pays sont organisées sur une base ethnique.

Si la Constitution élaborée à Dayton a permis de ramener la paix, elle est source de nombreux blocages qui entravent aujourd'hui le dévelopement du pays.

A l'occasion du dixième anniversaire des accords de Dayton, les Etats-Unis avaient initié des négociations pour la révision de la Constitution allant dans le sens d'un renforcement des institutions centrales. En novembre 2005, les leaders des principales forces politiques du pays s'étaient engagés à approuver d'ici mars 2006 les changements constitutionnels proposés. Toutefois, ces derniers n'ont pas été approuvés par les 2/3 des députés de la chambre des représentants, les élus du Parti pour la Bosnie-Herzégovine et une partie des élus de la Communauté nationale croate (HDZ) et du Parti de l'action démocratique (SDA) ayant voté contre. Il s'agissait alors d'établir une présidence unique du pays et de mettre fin à la rotation entre les trois membres de la présidence collégiale, de renforcer les prérogatives du chef du gouvernement et du parlement national.

Depuis 2006, les débats sur les changements constitutionnels n'ont pas cessé sans jamais aboutir à une issue concrète. Les dirigeants des trois partis majoritaires, Milorad Dodik pour le SNSD, Sulejman Tihić pour le SDA et Dragan Čović pour le HDZ-BiH, ont engagé le 8 novembre 2008 à Prud un dialogue politique englobant la question des changements constitutionnels. Néanmoins, aucune avancée n'a été enregistrée. Aussi, les Etats-Unis et l'Union européenne ont pris l'initiative de convoquer les dirigeants bosniens afin d'aboutir à un accord sur la révision de la Constitution.

Une première réunion s'est tenue le 9 octobre 2009 sur la base militaire internationale de Butmir. Les dirigeants bosniens ont été invités par Carl Bildt, ministre des Affaires étrangères de Suède et Olli Rehn, commissaire à l’élargissement, pour l’UE, et James Steinberg, sous-secrétaire du Département d’Etat américain. Ces derniers ont surtout insisté sur les enjeux des changements constitutionnels nécessaires accélérer le processus de rapprochement entre la Bosnie-Herzégovine d'une part, et l'Union européenne et l'OTAN d'autre part. Toutefois, les propositions concrètes n'ont pas été présentées. Une nouvelle réunion a été fixée au 20 octobre 2009.

(à suivre)