2.8.08

La première apparition de Radovan Karadžić au TPIY

Lors de sa première apparition au TPIY, Radovan Karadžić, a décidé de se défendre seul et a demandé le délai réglementaire supplémentaire de 30 jours avant de se prononcer coupable ou non-coupable des actes qui lui sont reprochés.

En comparaison avec Slobodan Milošević et Vojislav Šešelj, Radovan Karadžić s'est montré davantage respectueux du TPIY et coopératif.

Dès sa première audition, il a porté l'attaque contre les grandes puissances et en particulier contre les Etats-Unis qui par le biais de Richard Holbrooke auraient conclu avec lui un accord visant à obtenir son retrait de la vie politique en Bosnie-Herzégovine contre la promesse ne pas être déféré au TPIY. L'accord aurait été conclu en juillet 1996 par l'entremise de Slobodan Milošević et des service secrets serbes. Florence Hartmann détaille les négociations entre R. Holbrooke et les autorités de Belgrade dans son livre, Paix et châtiment : les guerres secrètes de la politique et de la justice internationales, (Paris, Flammarion, 2007), aux pages 178-180.

L'accord a été confirmé par Aleksa Buha, ancien ministre des affaires étrangères de la Republika Srpska qui a assisté aux négociations à Belgrade en compagnie de Momčilo Krajišnik pour la RS. Etait présent également, selon lui, Milan Milutinović futur président de la Serbie. L'objectif était d'obtenir le retrait de Karadžić de la vie politique, sans quoi, son parti, le Parti démocratique serbe (SDS) aurait été interdit et n'aurait pas pu participer aux prochaines échéances électorales (voir Večernje Novosti du 1er mars 2004 et l'édition du 3 mars 2004).

Radovan Karadžić a probablement les moyens de mettre les grandes puissances face à leurs contradictions, en particulier les Etats-Unis et la France. Néanmoins, il devra apporter des preuves matérielles pour étayer ses affirmations.

Mais la question de l'accord si elle peut embarrasser les Etats-Unis, ne permet pas d'effacer l'acte d'accusation qui pèse contre Karadžić.

Concernant les massacres de Srebrenica, des témoignages d'anciens officiers de l'armée serbe ou de dirigeants locaux du SDS, ont déjà souligné l'implication de Radovan Karadžić :

- un premier témoin, officier de l'armée de la RS, témoignant sous protection (témoin B-1804), et la plupart du temps à huis clos, a évoqué un ordre de Radovan Karadžić du 17 mars 1995 destiné au Corps de la Drina dans le quel il est dit : Par des opérations de combat planifiées et bien conçues, créer une situation insoutenable d'insécurité totale, ne laissant aucun espoir de survie, ni de vie pour les habitants de Srebrenica et de Zepa." (source : http://www.un.org/icty/transf54/040211FE.htm)

- un autre officier serbe a apporté un témoignage intéressant à cet égard les 22 et 23 mai 2003, puis le 2 juillet 2003. Il témoignait sous protection (B-161) : il a précisé qu'un ordre de faire disparaître 6 900 personnes avait été donné par un "certain Beara", "adjoint au chef de la sécurité au grand état-major de la Republika Srpska" (source : http://www.un.org/icty/transf54/030522FE.htm). Ljubomir Beara était le chef du service de sécurité auprès de l'Etat-major de l'armée de la RS.

- le témoignage du capitaine, Momir Nikolić, officier de renseignement de la Brigade de Bratunac, apporte également des informations intéressantes.

- les témoignages de Miroslav Deronjić, dirigeant du SDS, lui-même condamné à 10 ans de prison par le TPIY et décédé d'un cancer dans une prison suédoise en 2007, dans les différents procès où les massacres de Srebrenica ont été abordés sont précieux. Alors qu'il posait une question à Radovan Karadžić sur le sort des prisonniers de Srebrenica conduits dans la municipalité de Bratunac, le président de la RS lui répondit que quelqu'un arriverait bientôt avec les instructions concernant les prisonniers. Ljubomir Beara était cet homme qui lui indiqua que l'ordre venant du sommet était d'éliminer tous les prisonniers.