27.5.06

La Serbie face à elle-même

Après la victoire des indépendantistes au Monténégro, la Serbie se retrouve isolée. Début mai, l'UE a suspendu les négociations pour la signature d'un accord de stabilisation et d'association avec la Serbie-et-Monténégro, seconde étape du processus de pré-adhésion car elle n'avait toujours pas livré le général Ratko Mladic au TPIY. De fait, seule la Serbie est concernée par cette affaire. L'UE pourrait reprendre les négociations avec le Monténégro dès l'automne une fois ce pays reconnu comme Etat indépendant par la communauté internationale.
La Serbie est à la croisée des chemins : consolidera-t-elle sa transition démocratique ou au contraire assistera-t-on à un retour au pouvoir des forces politiques du régime de Slobodan Milosevic? La situation est préoccupante et il n'est pas certain que l'UE ait conscience des risques encourus, à savoir une victoire lors des prochaines élections générales du Parti radical serbe, formation politique nationaliste, qui pourrait s'associer au Parti socialiste de Serbie et former un gouvernement.
Les sondages indiquent qu'une grande partie des citoyens est démobilisée et ne souhaite pas participer aux prochaines élections : 42% du corps électoral se prononce aujourd'hui (selon une enquête réalisée par le CESID en avril 2006). Dans ce contexte, le Parti radical serbe arrive en tête avec 35 à 38% d'intentions de vote. Cela ne signifie pas, pour autant, que ce parti s'est renforcé. Au contraire, le nombre de personnes se déclarant prêtes à voter pour les radicaux a baissé : 880 000 environ contre 1 000 000 lors des derniers scrutins. Mais la forte abstention dans le "camp démocrate" fait que ce parti se place en première position avec une forte proportion des intentions de vote.

Boris Tadic en visite à Podgorica

Le président de la Serbie, Boris Tadic, se rend aujourd'hui à Podgorica où il rencontrera le président monténégrin, Filip Vujanovic, le chef du gouvernement, Milo Djukanovic, le président de la Serbie-et-Monténégro, Svetozar Marovic ainsi que le leader du bloc unioniste, Predrag Bulatovic. Il s'y rend pour contribuer à la stabilisation de la situation politique au Monténégro et transmettre un message d'amitié à l'ensemble des citoyens monténégrins.
Cette initiative intervient alors que le gouvernement serbe n'a toujours pas souhaité se prononcer sur le référendum et l'indépendance sinon pour souligner les irrégularités lors de la tenue du vote.
Heureusement que la Serbie dans sa totalité n'est pas à l'image de Vojislav Kostunica.

24.5.06

Le Monténégro devient indépendant

Les citoyens monténégrins ont voté majoritairement (55,5%) en faveur de l'indépendance de leur république qui jouissait déjà d'une très forte autonomie dans la gestion de ses affaires. L'issue du référendum marque une défaite pour les autorités politiques de Serbie qui se sont prononcées pour le maitien de l'Etat commun de Serbie-et-Monténégro et ont soutenu le camp unioniste au Monténégro. Mais il s'agit aussi d'une défaite pour l'Union européenne qui s'était opposée à l'indépendance du Monténégro. L'UE n'a modifié ses positions que tout récemment pour ne pas trop apparaître comme juge et partie et en porte-à-faux avec les résultats du référendum. Depuis plusieurs années déjà, la politique de l'UE contribuait à soutenir les forces nationalistes serbes et également antieuropéennes.
A Belgrade, l'absence de réactions officielles dimanche 21 et lundi 22 mai a relevé du pathétique. Le premier ministre serbe, Vojislav Kostunica, nationaliste convaincu, a refusé de déclarer quoi que ce soit avant la proclamation définitive des résultats laissant entendre, comme d'autres membres de son parti, le Parti démocrate de Serbie (DSS), que l'issue du référendum pouvait changer en raison des irrégularités constatées sur le terrain : "résultats préliminaires" = "indépendance préliminaire". De fait en Serbie, les principaux défenseurs de l'union serbo-monténégrine sont les forces nationalistes qui ont soutenu le projet d'unification des "terres serbes" au cours des années 1990. Les intellectuels, tels Ljubomir Tadic et Matija Beckovic, qui avaient contribué au réveil nationaliste serbe dans la seconde moitié des années 1980 ont été les principaux acteurs du combat pour le maintien de l'Etat commun au sein du Mouvement pour le maintien d'Etat commun européen de Serbie-et-Monténégro.
Aucun doute, la Serbie-et-Monténégro vit ses dernières heures. Son président, le monténégrin, Svetozar Marovic, devrait présider le dernier conseil des ministres, le jeudi 25 mai 2006, et annoncer sa démission.
Deux nouveaux Etats apparaîssent sur la scène européenne, le Monténégro et la Serbie, les deux seuls Etats indépendants qui existaient avant la création de la Yougoslavie en 1918.

10.5.06

Tribune de Peter Handke dans Libération du 10.05.2006

Peter Handke se réjouit de la possibilité d'un débat dans la presse française à propos de l'ancienne Yougoslavie et des conflits qui y ont éclaté. Mais pour qu'il puisse y avoir un débat encore faut-il s'inscrire dans une démarche intellectuelle honnête et respectueuse des faits. Or, Peter Handke ne le fait pas. Selon lui, la "guerre civile" a été "déclenchée, ou au moins coproduite par une Europe de mauvaise foi ou au moins ignorante". Cette affirmation est fausse. Les causes de la désintégration de la Yougoslavie communiste et de sa fin tragique dans la guerre sont liées principalement à des facteurs internes et impliquent des acteurs politiques locaux et non extérieurs. En 1990-1991, alors que la Fédération yougoslave s'enfonce dans le chaos, les grandes puissances occidentales se prononcent pour le maintien de l'Etat yougoslave et non sa dislocation. Néanmoins, le pays plongeant dans la guerre au printemps 1991, les positions de ces mêmes puissances évolueront prenant en compte la réalité du terrain, à savoir celle d'un pays éclaté. L'Europe, la Communauté économique européenne à l'époque, n'a déclenché aucun conflit en ex-Yougoslavie. Elle n'était pas à l'époque prête à faire face à une telle situation, ce qui est autre chose...

7.5.06

Les raisons de la non-livraison de Ratko Mladic

Depuis plusieurs années dèjà, les autorités politiques serbes sont dans l'obligation de livrer le général Ratko Mladic au TPIY. Or, malgré les ultimatums répétés de l'UE rien ne s'est produit jusqu'à début mai 2006.

Pourquoi Mladic n'a-t-il pas été appréhendé?

Plusieurs raisons peuvent être avancées :
- Les ultimatums précédents de l'UE n'ayant jamais été suivis d'effets, le gouvernement serbe n'a jamais pris au sérieux les éventuelles menaces européennes.
- Le premier ministre serbe, Vojislav Kostunica, n'apprécie pas l'activité du TPIY et soutient toujours la cause du nationalisme serbe. Il n'a jamais eu la volonté politique de livrer R. Mladic. Ce n'est que sous la pression internationale qu'il agit ou fait semblant d'agir.
- L'appareil sécuritaire serbe, et plus particulièrement ses services de renseignement, ne sont pas sous le contrôle total du gouvernement et certains de ses segments soutiennent toujours l'ancien régime de Milosevic. Ils mènent en bateau le gouvernement serbe.