3.7.07

La Serbie et la Russie

Dans une tribune parue dans Libération du 02.07.2007, Cedomir Nestorovic, professeur de géopolitique à l'ESSEC, laisse entendre que les élites politiques et les citoyens serbes seraient favorables à un fort rapprochement avec la Russie :

"La logique n’est pas la même, et il y a fort à parier que face à l’absence d’alternative proposée par l’Union européenne, l’opinion publique en Serbie et la majorité des forces politiques ne soient amenées à considérer de manière sérieuse la seconde option, un rapprochement rapide et substantiel avec la Russie."

Rien ne permet d'affirmer une telle chose, à moins de prendre ses désirs pour des réalités.

En effet, si le Parti radical serbe est prêt à faire de la Serbie une province de la Russie, les autres forces politiques, y compris les plus favorables à une forte coopération avec la Russie, n'ont pas adopté une position aussi extrême.

L'adhésion à l'Union européenne est l'un des principaux objectifs fixés par le gouvernement serbe. Il n'a jamais été question d'une intégration à la Russie.

Par ailleurs, l'opinion publique serbe n'a jamais soutenu un tel projet et a toujours massivement rejeté les projets de confédération d'Etats orthodoxes formulés sous le régime de Milosevic, en particulier par le Parti radical serbe.

Selon une enquête réalisée au printemps 2006, mais les chiffres n'ont guère évolué depuis plus d'une décennie, 64% des citoyens serbes sont favorables à ce que leur pays devienne membre de l'Union européenne. Par contre, ils ne sont que 31% à soutenir l'adhésion à l'OTAN.

Si Bozidar Djelic, mentionné par Cedomir Nestorovic, souhaite le maintien du Kosovo dans les frontières de la Serbie, il n'a jamais parlé d'une intégration de la Serbie à la Russie.

Il s'est distingué du premier ministre serbe, Vojislav Kostunica, en indiquant qu'en cas de reconnaissance unilatérale de l'indépendance du Kosovo, il ne fallait pas que la Serbie s'isole sur la scène internationale (Source : B92, 27.06.2007).

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Il n´est pas nécessaire d´être membre, ou ne serait-ce qu´électeur ou sympathisant, du Parti radical serbe, ni même d´être serbe tout court, pour constater à quel point les instances dirigeantes de l´UE mènent une politique inamicale envers la Serbie. Et pas que dans l´affaire du Kosovo.

Le durcissement est également très net vis-à-vis de la Russie, envers laquelle l´UE (en tant qu´organe technique où les décisions sont prises par la Commission, en tout déni de démocratie) et certains de ses membres parmi les plus influents mais aussi parmi les plus récents se placent ostensiblement à la remorque des décisions étasuniennes dans sa volonté d´isoler ladite Russie.

Comme vous le remarquiez, l´idée de renforcer (d´une manière ou d´une autre) les liens entre la Serbie et la Russie n´est pas nouvelle dans la vie politique serbe. Ce n´est pas à moi qu´il revient de dire ce que la Serbie doit faire. En revanche, en tant que citoyen d´un pays membre de l´UE j´ai mon mot à dire sur la politique menée par l´UE.

L´UE étant de plus en plus ouvertement à la remorque des USA Les bonnes relations que la Serbie entretient avec la Russie sont insupportables pour Bruxelles. Cela dépasse largement le cadre du Kosovo. La qualité des relations de la Serbie avec l´UE est et sera pour longtemps inversement proportionnelle à la qualité des relations qu´entretiennent la Serbie et la Russie. C´est là le fond de l´affaire.

Les principaux dirigeants de l´UE ont renoncé à construire une Europe européeenne. Le modèle d´Union européenne que l´on nous impose (et non que l´on nous propose, car, à titre d´illustration, la décision des Francais du 29 mai 2005 a déjà été balayée par Bruxelles d´un revers de main méprisant) est conforme à la volonté américaine de faire de l´UE un grand marché ouvert à tous les vents et uni à l´OTAN dans un lien de vassalité.

Le dilemme que vit la Serbie, sommée de choisir entre l´UE et la Russie, est finalement la question qui se pose à tous les pays d´Europe. Même si l´on continue de l´éluder, parce qu´elle dérange, la vraie question est de savoir si l´on peut continuer à faire croire aux citoyens des pays européens que l´on peut construire une Europe européenne, c´est-à-dire indépendante des USA, sans la Russie mais contre elle.

La place de la Serbie est dans l´UE. La place de la Russie aussi. À défaut, car la Russie ne demande pas formellement son adhésion à l´UE, c´est un solide partenariat qui doit être mis en place entre l´UE et la Russie. La voie actuellement suivie par l´UE est tout à fait erronée. Ce suivisme permanent des quatre volontés américaines, parfois après une légère temporisation sauvant les apparences, est lourd de dangers pour l´avenir.

D´autres dressent en notre nom de nouveaux murs en Europe.

Yves Tomic a dit…

Pour la Serbie, il ne s'agit pas de choisir entre l'UE et la Russie mais d'entretenir des relations intelligentes avec les deux. Ni l'Union européenne ne peut se passer de la Russie dont elle dépend sur le plan énergétique (gaz à hateur de 50% et pétrole à hauteur de 30%). De ce fait, l'UE ne peut se permettre d'envenimer ses relations avec la Russie. De même la Russie ne peut prendre le risque d'une crise diplomatique sérieuse avec l'Union européenne, l'UE représentant 49% des importations et 54% des exportations de la Russie. A titre de comparaison, la Russie ne représente que 9% des importations et 5% des exportations de l'UE. Mais ce qui est plus important c'est que l'UE représente 60% des exportations russes de pétrole et 50% de ses exportations de gaz naturel (soit 40% des recettes de l'Etat russe).

Il ne faut donc pas raisonner en termes de choix exclusif mais en termes d'équilibre intelligent.

Anonyme a dit…

Oui, c´est exactement ce que je suggérais. La Serbie ne devrait pas avoir à choisir entre l´UE et la Russie, mais aller de l´avant avec les deux. Le hic c´est que cela relève du voeux pieux. Car il faut être aveugle pour ne pas voir à quel point la politique de Bruxelles en général et celle de certains membres de l´UE en particulier fait tout pour isoler la Russie, pour la rendre infréquentable. La crise russo-estonienne de cet été autour d´une provocation dérisoire a vu l´UE au complet soutenir l´Estonie, au détriment de nos relations avec la Russie. Nul besoin de revenir sur la crise des missiles en Pologne et en République tchèque. Tout le monde aura compris qu´elle ne sert qu´à provoquer la Russie. Ce sont des choses qui ne vont pas dans le sens de l´intérêt de l´Europe, dont la Russie fait partie, n´en déplaise à certains, mais bien dans le sens des intérêts étatsuniens.

Ne faisons pas semblant de ne pas voir que que MM. Schröder et Chirac sont partis, remplacés par deux atlantistes notoires, et que la politique étrangère et europénne de l´Allemagne et de la France ne sont plus à l´heure de l´axe Paris-Berlin-Moscou, qui mit naguère les USA en échec sur l´Irak à l´ONU. Les relations avec la Russie ne sont pas une priorité pour l´UE, sauf quand il s´agit des questions mercantiles. La présidence finlandaise a finalement échoué l´an dernier à conclure les accords nécessaires avec la Russie.
La priorité de Bruxelles aujourd´hui c´est d´abord de trouver la formule magique pour nous faire avaler la constitution antidémocratique que les Hollandais et nous avons déjà rejetée. Et une lecture attentive de cette logorrhée constitutionnelle devrait dissiper tous vos doutes sur les orientations de l´UE et sur la politique extérieure qu´elle prétend mener en notre nom, expliquée avec pédagogie par la voix de M. Solana, dont on se souvient tous de la brillante carrière qu´il fit à l´OTAN.

Non seulement la Serbie est mise en demeure de s´éloigner de la Russie pour se rapprocher de l´UE, mais elle devra aussi consentir, d´une manière ou d´une autre, à l´abandon du Kosovo. Car il est évident qu´elle ne pourra pas durcir ses relations avec les pays de l´UE, alors même qu´elle prétend faire partie de cette organisation. L´UE, telle qu´on nous l´impose depuis le Traité de Rome est tout sauf respectueuse de la souveraineté des peuples et de l´intégrité des États. C´est la dure réalité.

Effectivement, l´enjeu pour la Serbie est de maintenir un équilibre "intelligent" dans ses relations avec l´UE et la Russie. Facile à dire. Ce serait facile à faire aussi si l´UE menait une politique européenne et non pas une politique pro-américaine et anti-russe. Puisse l´avenir exhaucer vos voeux.